La Loi de 1973 : Quand la France a Perdu sa Souveraineté Financière

La Loi « Pompidou-Giscard-Rothschild » de 1973Facebooktwitter

La loi n° 73-7 du 3 janvier 1973, communément appelée loi « Pompidou-Giscard-Rothschild », est une législation française qui a fondamentalement changé la manière dont l’État finance ses déficits.

Adoptée sous la présidence de Georges Pompidou et avec Valéry Giscard d’Estaing comme ministre des Finances, cette loi a interdit à la Banque de France de financer directement le Trésor public, obligeant ainsi l’État à emprunter sur les marchés financiers.

Cette réforme a eu des répercussions profondes sur la souveraineté financière de la France, une question qui reste vivement débattue aujourd’hui.

Contexte et Objectifs de la Loi

En 1973, la France faisait face à une inflation élevée et à des déficits budgétaires croissants. Pour stabiliser l’économie et moderniser les finances publiques, la loi a été introduite avec plusieurs objectifs :

  1. Réduire l’inflation : En empêchant la Banque de France de créer de la monnaie pour financer le déficit, la loi visait à limiter la création monétaire excessive, source potentielle d’inflation.

  2. Renforcer la discipline budgétaire : En forçant l’État à emprunter sur les marchés financiers, la loi cherchait à imposer une discipline budgétaire plus stricte, car les marchés demandent des taux d’intérêt plus élevés et imposent des conditions de crédit plus rigoureuses.

Contenu de la Loi

La loi se distingue par son article 25, qui stipule que « le Trésor public ne peut être présentateur de ses propres effets à l’escompte de la Banque de France ». Autrement dit, l’État ne pouvait plus se tourner vers sa propre banque centrale pour obtenir des avances ou des crédits.

Au lieu de cela, il devait se financer en émettant des obligations sur les marchés financiers.

Conséquences de la Loi

L’adoption de la loi de 1973 a eu plusieurs conséquences majeures :

  1. Augmentation de la Dette Publique : En recourant aux marchés financiers, l’État a dû payer des taux d’intérêt souvent plus élevés que ceux qu’il aurait pu obtenir de la Banque de France. Par exemple, dans les années 1970, les taux d’intérêt sur les obligations d’État oscillaient entre 7 % et 9 %, comparé à des taux bien plus bas auparavant. Cette situation a conduit à une augmentation du coût de la dette publique.

  2. Dépendance aux Marchés Financiers : La France est devenue de plus en plus dépendante des marchés financiers pour financer son déficit, ce qui a limité sa marge de manœuvre budgétaire. En 1980, la dette publique représentait environ 21 % du PIB français, mais elle a augmenté pour atteindre environ 58 % en 1990 et 115 % en 2020.

  3. Perte de Souveraineté Monétaire : En perdant la capacité de financer son déficit par la création monétaire, l’État a cédé une partie de sa souveraineté monétaire aux marchés financiers et aux investisseurs privés.

Critiques et Controverses

Depuis son adoption, la loi de 1973 a été la cible de nombreuses critiques, notamment de la part des économistes et des politiciens qui estiment qu’elle a entravé la capacité de l’État à gérer efficacement sa politique budgétaire et monétaire.

Voici quelques-unes des critiques principales :

  1. Favoritisme envers les Banques Privées : Les détracteurs de la loi soutiennent qu’elle a favorisé les banques privées et les marchés financiers au détriment de l’intérêt public. En forçant l’État à emprunter sur les marchés, la loi aurait permis aux banques de réaliser des profits importants en prêtant à l’État à des taux d’intérêt élevés. Par exemple, les taux d’intérêt réels (taux nominaux ajustés de l’inflation) sur la dette française étaient souvent supérieurs à 5 % dans les années 1980.

  2. Limitation de la Politique Monétaire : En interdisant à la Banque de France de financer directement le Trésor, la loi a restreint la capacité de l’État à utiliser la politique monétaire comme outil de gestion économique. Cela a notamment limité les options disponibles pour stimuler l’économie en période de récession. Pendant les années 1980 et 1990, la France a dû faire face à plusieurs périodes de récession où la politique monétaire aurait pu être un outil précieux pour soutenir l’économie.

  3. Augmentation de la Dette et du Déficit : La dépendance aux marchés financiers a entraîné une augmentation des coûts d’emprunt, contribuant ainsi à l’augmentation de la dette publique et des déficits budgétaires. En 1992, la dette publique française atteignait environ 40 % du PIB, et en 2020, elle a grimpé à près de 115 % du PIB, en partie à cause des coûts élevés des emprunts sur les marchés financiers.

Conclusion

La loi « Pompidou-Giscard-Rothschild » de 1973 a marqué un tournant dans la gestion des finances publiques françaises. En interdisant le financement direct du déficit public par la Banque de France, elle a accru la dépendance de l’État aux marchés financiers et a limité sa souveraineté monétaire.

Bien que la loi ait été motivée par la nécessité de lutter contre l’inflation et de renforcer la discipline budgétaire, elle a aussi eu des conséquences négatives importantes, notamment en termes de coût de la dette et de limitation des outils de politique économique disponibles pour l’État.

Les critiques de la loi de 1973 soutiennent qu’une révision de cette législation pourrait permettre à la France de retrouver une plus grande marge de manœuvre budgétaire et monétaire pour faire face aux défis économiques actuels et futurs.

 

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